Les deux canards et le promeneur un peu sadique
Sauf qu'il faut savoir que ce promeneur est un peu sadique. Il s'efforce de nourrir le même canard, en prenant bien soin de jeter suffisamment loin les morceaux de pain pour que les deux volatiles fassent la course, mais dans un angle bien précis pour que la même bête ait toujours l'avantage. La question est de savoir combien de temps cela peut durer avant que l'autre se lasse et s'en aille.
Au troisième lancé, le canard lésé commence à pousser des cris d'agacement et cancane de colère. A la grande surprise du promeneur, le canard n'abandonne pas la partie. Au septième lancé, il fonce sur son adversaire et lui chope les plumes à grands coups de bec. Mais en vain, puisque le promeneur a soigneusement choisi de toujours nourrir le plus vigoureux des deux. Ainsi le reste du sandwich fut englouti sans que le plus faible ne puisse profiter de la moindre miette.
Le promeneur s'amuse alors de constater que le canard défavorisé s'est rebellé contre son adversaire, plutôt que de venir voler dans les plumes de celui qui distribuait le repas.
Le promeneur trouve que ce canard est bien stupide et qu'il ne mériterait même pas de finir en magrets accompagnés d'une sauce aux airelles.
Plutôt que de nous en prendre à un grand bourgeois qui souhaiterait s'exiler à l'étranger pour éviter une éventuelle taxation à 75%, ne serait-il pas plus utile d'exiger de nos dirigeants une loi qui obligerait les exilés fiscaux à régler au Trésor Public la différence entre l'impôt qu'ils ont payé à l'étranger et celui qui aurait été dû en France ? Je crois que certains pays, dont les USA, le font bien. C'était même, me semble-t-il, une idée avancée par le candidat du Front de Gauche aux dernières présidentielles. Etait-ce une proposition si aberrante qu'elle doive sombrer aux oubliettes ? Les français ont l'habitude de manifester contre des lois. En voici une pour laquelle ils pourraient battre le bitume.
Non, nous préférons voler dans les plumes et cancaner des "casse-toi, riche con !" et rire avec des "Bernard, si tu reviens, on annule tout !", fussent-ils appropriés.
Non, nous préférons nous en prendre aux canards nantis plutôt que de taper sur la table du promeneur qui définit les règles du jeu.
Certes, nous ne finirons pas non plus en magrets accompagnés d'une sauce aux airelles.
Mais nous serons à coup sûr les dindons de la farce...