Station Père-Lachaise, ligne 2 du métro parisien.
Les portes s'ouvrent, je monte. Avec les vacances, l'affluence est moindre mais un homme joue quand même des coudes pour monter plus rapidement que les autres et gratter une place assise. Je prends mon temps. Zen. Il reste une place de libre en face d'un père, la trentaine bien amortie et son fils, six ans au plus, peut-être moins, à côté de lui. Le père joue sur son smartphone ignorant son fils. Bonjour l'éducation...
Station Ménilmontant.
"- Ah perdu ! A ton tour...
- T'as fait combien, papa ? (le p'tit prend l'appareil) Whaaaa ! Je vais avoir du mal..."
Bon okay, j'ai jugé trop vite. Il n'ignore pas son fils. Ils jouent ensemble. A Looney Tunes Dash, un running game avec les personnages de dessins animés... Bon je n'avais pas complètement tort, ce n'est pas un jeu éducatif... C'te bouille qu'il fait en jouant ce p'tit morveux, trop adorable.
Station Couronne.
"- Oh non... Pfff, j'ai perdu... A toi... (il lui donne le téléphone). Heureusement que le Père Noël me voit pas perdre parce que je veux mes cadeaux demain.
- Mais non, le Père Noël apporte les cadeaux si tu es gentil, pas si tu es le meilleur au jeu video...
- Et je suis gentil, hein ?
- Très !
- Il va m'apporter plusieurs cadeaux de ma liste alors, tu crois ?
- Je ne vois pas comment il pourrait faire autrement... "
Ils commencent à m'agacer ces deux là... Je regrette tellement d'avoir oublier mes écouteurs chez moi. Toujours prendre de quoi s'isoler du monde dans le métro...
Station Belleville.
Le père donne un coup de coude à son fils qui lève la tête. Le petit voit une dame âgée qui arrive derrière moi.
"Bonjour Madame, prenez ma place, je vais m'assoir sur les genoux de papa."
Rhaaaa ! Mais c'est quoi ce môme, toute cette perfection, ce n'est pas possible ?! Il escalade maintenant les genoux de son père, la dame prend sa place, le gratifie d'un sourire qu'il lui rend. Je retiens un soupir...
Station Colonel Fabien.
Le père vient de finir sa partie sous les yeux admiratifs de son fils. "T'as encore gagné ! T'es trop fort. T'as gagné un bisou !". Le mioche se contorsionne pour attraper des bras le cou de son père et attirer sa joue à lui. Il l'embrasse. Devant tout le monde ! Un peu de pudeur, bordel ! Mais c'est quoi cet affichage ostentatoire de bonheur à la fin... Quelle indécence ! J'ai chaud là. Je dois être un peu rouge.
Station Jaures.
"- Dis, le Père Noël, comment il sait que nous serons chez Mamie demain ?
- Mamie lui a envoyé un email pour lui dire.
- Ah, bien. Donc il apportera mes cadeaux chez mamie ?
- Oui."
Station Stalingrad.
Et ça papotte, et ça se fait des câlins... ça n'en finit plus c't'histoire...
Vivement la prochaine station, que je puisse descendre et m'extirper enfin de cette mélasse romantico-familiale avant que j'en prenne un pour taper sur l'autre...
Station La Chapelle.
"Papa, je t'aime plus que le Père Noël mais faut pas lui dire."
Trop, c'est trop, je craque. Je me lève, regarde le petit droit dans les yeux : "Faut quand même que tu saches que le Père Noël n'existe pas et qu'on te fait du chantage aux cadeaux pour que tu sois gentil !". Et je suis sorti de ce wagon infernal...
...
...
Bon d'accord, en vrai, je suis descendu au métro Stalingrad.
C'était plus sûr et ça fait du bien de marcher un peu.
L'inconvénient, c'est ce petit vent glacial qui fait sortir les larmes...
...
C'est moche la jalousie...