Keith Haring - The Marriage of Heaven and Hell 1984The Marriage of Heaven and Hell 1984

Je n'ai découvert Keith Haring que sur le tard, peu de temps après son décès en 1990. Un garçon que je fréquentais alors m'avait dit en voyant un de mes gribouillis de l'époque "Toi, t'es comme Keith Haring, faut que tu remplisses tout l'espace. T'as peur du vide". J'avais fait la moue en bredouillant un "Oui, peut-être, non, je ne sais pas..." alors que je n'avais pas la moindre idée de qui il s'agissait. Il y avait eu ensuite In Bed with Madonna où on la voyait dédier un de ses concerts à l'artiste qui venait de décéder du sida... Pas d'internet à l'époque, je me suis donc réfugié à Beaubourg pour me documenter... "Ah, c'est lui les petits bonhommes !". J'ai tout de suite apprécié son approche qui peut sembler naïve et qui pourtant regorge de sens. J'aimais aussi sa philosophie de l'art, sa volonté de le rendre accessible à tous par des happenings dans les rues et le métro (où il était souvent arrêté par la police d'ailleurs). Et bien évidemment, j'étais sensible à la charge sexuelle de ses créations, tout comme à son irrévérence subversive qui devait choquer le bourgeois...
 

Keith Haring - Dancing Dog 1989 - Safe Sex 1985 - The Ten Commandments 1985

Quelques années plus tard, au cours de mon premier séjour à New York, comme je visitais la Cathédrale Saint-John the Divine,  j'ai eu la surprise de voir qu'un hommage lui était consacré à l'intérieur de celle-ci (cette cathédrale fait un peu figure de "vilain canard" dans le monde austère et conservateur de l'Eglise. Elle contient de nombreuses chapelles dédiées à ceux qui ont été pointés du doigt par la religion - écrivains maudits, poètes, artistes, victimes du sida...). Elle contient aujourd'hui encore un des deux exemplaires d'un triptyque en bronze et or blanc de Keith Haring, l'autre exemplaire est exposé dans l'Eglise Saint-Eustache à Paris). Si j'avais d'abord trouvé saugrenue l'idée qu'un lieu de culte puisse exposer cet artiste, je l'ai compris en découvrant le symbolisme de ses créations, tout comme ses engagements politique et citoyen.

Aussi, j'ai sauté joie en apprenant cette double exposition à Paris, au 104 et au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Je me suis d'abord rendu au 104 qui contient les œuvres grand format que je n'avais pas encore pu admirer "en vrai".
Ma préférence va incontestablement à l'impressionnant The Mariage of Heaven and Hell, une fresque d'environ 100 m² qui illustre le poème de William Blake (dont je suis fan) et qui a été commandée par Roland Petit pour un décor à l'Opéra de Marseille en 1985.
La série The Ten Commandments est également impressionnante par son gigantisme. Elle n'est d'ailleurs pas vraiment irrévérencieuse vis à vis de la religion. Encore une fois, Keith Haring digère le message pour le retransmettre à sa façon en le reliant à son époque. Alors qu'il devait certainement entendre les premiers échos du "sida comme punition divine contre l'homosexualité", sa volonté de construire des ponts entre les individus dont les croyances sont aux antipodes force le respect...

Le 104, c'est fait.
Je vais attendre un peu avant d'aller au MAM, histoire de faire durer un peu le plaisir...
Keith Haring. The Political Line.
Jusqu'au 18 Août 2013
Le CENTQUATRE, 5 rue Curial, Paris 19.
Le MUSEE D'ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS, 11 avenue du Président Wilson, Paris 16.
Keith Haring - Untitled 1984