? Kiss-in ?
Hier, près de mille personnes se sont rassemblées devant l'Hôtel de Ville, des pédés, des goudous et aussi quelques hétéros sympathisants. Tous avaient choisi de venir s'embrasser symboliquement en militant pour l'ouverture des droits aux personnes de même sexe, et pour manifester leur agacement vis-à-vis de la violence des propos de nos opposants. Un acte engagé et le doigt d'honneur le plus classieux qu'il pouvait être fait à ceux qui refusent de voir l'égalité de nos sentiments.
Le lieu n'était pas innocent, l'Hôtel de Ville. C'est bien là que nous souhaitons être reconnu comme tout autre citoyen français. La date non plus : le 15 novembre marque l'anniversaire du PACS, 13 ans déjà. Et depuis, rien, ou presque.
N'ayant pu assister à la manif' de la semaine dernière, c'est avec plaisir que je m'y suis rendu la fleur au fusil avec mon appareil photo.
19h00 le signal est lancé, les couples commencent à s'embrasser, je mitraille.
Et puis un étrange frisson me parcourt l'échine, la gorge se resserre, la vision se trouble. J'arrête d'appuyer sur le déclencheur.
Hé ! Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?!?
Serait-ce parce que je suis là, seul, au milieu de tous ces couples et que mon homme est à 600 bornes ? Peut-être. Mais nous avons appris à gérer la distance et ses conséquences. Cela ne m'atteint (presque) plus. Serait-ce parce que je suis impatient de pouvoir me marier ? Non, certainement pas. Je veux juste avoir le choix, comme tout le monde, et notre choix est fait : ni PACS ni mariage pour nous.
Mais alors quoi ?
Certainement cette déferlante d'amour autour de moi.
Depuis l'apparition de cet Engagement 31 du président Hollande, nous sommes quotidiennement insultés par des politiques, des associations, des religions, des anonymes. Alors j'ai enfilé mon armure pour me protéger, et mes modestes armes pour lutter comme je le peux contre tous ces homophobes qui nous pourrissent l'existence.
Je crois que ce Kiss-in a fait tomber la cuirasse et je me suis pris tout cet amour en pleine poire. C'était beau, c'était bon. Il y avait un peu de cette prétention qu'ont les favoris dans un combat : "Regardez, ceci est notre réponse. Nous allons gagner, nous le savons".
Je crois que pendant ce Kiss-in mon angoisse de l'échec de nos revendications s'est envolée. Quelques heures seulement. Oui, hier, Place de l'Hôtel de Ville ça fleurait bon la victoire imminente.
Comment pourrait-il en être autrement ?
En pareille situation, quand l'émotion me submerge, je me réfugie souvent derrière l'humour et la grivoiserie. Chacun ses ruses. Ce qui a donné un échange sympathique avec un beau brun :
Lui : Hé, faut pas se mettre dans cet état !
Moi : Ouais, mais c'est trop beau. Dommage qu'il n'y ait pas plus de monde.
Lui : Il n'y a pas eu beaucoup de pub autour, le bouche à oreille n'a pas fonctionné.
Moi : Ouais. La prochaine fois faudra dire Anulingus-in à la place de Kiss-in !
Lui : (rires) Pas con ça ! Mais pas en novembre, ça caille trop pour ça.
Sur le chemin du retour, la pertinence du mode shuffle a fait des merveilles en m'offrant dans le conduit auditif direction droit au cœur It's Love de Jimmy Somerville.
??
It's love, it's love
Well, who would have thought it
If this is love
Then why have I fought it
What a way to feel I could touch the sky
What a way to feel I have found my guy
It's love at last
I have someone to cheer for
It's love at last
I have learn what we here for
I heard it's said
You know it when you feel it
Well I feel it, I know it
It's love
It's love, it's love
Well, who would have thought it
If this is love
Then why have I fought it
What a way to feel I could touch the sky
What a way to feel I have found my guy
It's love at last
I have someone to cheer for
It's love at last
I have learn what I am here for
I heard it's said
You know it when you feel it
Oooh I feel it, Oooh I know it, Oooh I see it
Thanks, it's love
??