Quand on parle de François Fillon et d'homosexualité, il convient de prendre des pincettes, et des grosses. Honteuse pour certains, rumeur sans fondement pour d'autres.
Alors que nous disent les faits ?
Tout ceci remonte à 1980 et aux bruits qui ont suivi le décès de Joël Le Theule, dont Fillon était le conseiller ministériel. Sa page Wikipedia nous raconte ceci :
"Joël Le Theule acquiert une réputation de fin politique, rompu dans l'art de la manœuvre. Il sait s'attirer de sérieuses inimitiés dans son propre camp, notamment de la part de Jacques Chirac. Son successeur, François Fillon, aurait dit : « Le Theule était haï de Chirac autant pour ses penchants que parce qu'il le soupçonnait d'avoir prêté la main dans l'affaire Markovic, qui déstabilisa Pompidou », les penchants faisant référence à l'homosexualité de Joël Le Theule.
(...)
Le 14 décembre 1980, victime d'un malaise cardiaque, Joël Le Theule est conduit aux urgences de Sablé par son collaborateur le plus proche, François Fillon. À la descente du véhicule automobile, il perd connaissance et meurt presque immédiatement dans les bras de ce dernier."
Suite à cela, François Fillon reprend les mandats de Le Theule, un héritage qui donne à ses opposants l'idée de le surnommer "La Veuve Le Theule".
Voilà officiellement ce que l'ont sait, ni plus, ni moins. C'est un peu léger pour avoir des certitudes, même si la tragédie de "l'amant mort dans ses bras" peut faire fondre nos cœurs de midinette. En l'absence de preuves, nous ne pouvons que jouer avec des suppositions :
- Fillon aurait bel et bien été l'amant de Le Theule. Inconsolable après son décès, il n'aurait pas envisagé un autre homme dans sa vie. Ses convictions chrétiennes l'auraient par la suite poussé à refouler son homosexualité, condition essentielle à l'époque pour fonder une famille. Comme on peut souvent le constater, nombreux homos refoulés développent une haine vis-à-vis de ceux qui s'assument ; ceci expliquerait cela...
- Fillon n'aurait pas été pas l'amant de Le Theule, mais aurait pu subir les avances de son mentor, qui, imaginons-le, aurait pu même peut-être passer à l'acte et abuser de lui. Un "droit de cuissage" qui aurait pu laisser un traumatisme chez Fillon. Ajoutons au harcèlement l'affreux sobriquet de "Veuve Le Theule" et le terrain est préparé pour que Fillon développe des sentiments peu favorables.
- Fillon, hétérosexuel, aurait juste été l'attaché de Le Theule et l'homosexualité de celui-ci n'aurait rien à voir avec les sentiments de Fillion vis-à-vis des LGBT.
Voilà pour les trois principales, après on peut broder plus ou moins, moduler à loisirs en fantasmant ceci ou cela...
Certains diront qu'avec des sourcils pareils, il est impossible qu'il soit pédé. D'autres répondront que l'excès de pilosité est souvent employé par les gays pour éventuellement compenser un manque de virilité et qu'il a préféré des sourcils fournis à une barbe trop marxiste ;-)
Mon avis ?
La sexualité de Fillon m'intéresse moins que son positionnement politique. Et ses promesses de campagne vis-à-vis des homosexuels n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan ultra-libéral des choses que je redoute de lui.
Bref, je dirais juste que la probabilité qu'il soit homo est de 10%, chiffre avancé comme étant la moyenne nationale...
Je comprends néanmoins l'intérêt qu'on peut trouver dans cette rumeur, l'outing de personnalités présumées homosexuelles étant une arme souvent utilisée, à tort ou à raison, là n'est pas la question, contre leur homophobie.
Je viens d'écrire "homophobie" et là encore, il s'agit d'un terme à prendre avec des pincettes avec François Fillon qui balaye l'accusation avec véhémence.
Regardons à nouveau les faits :
- Un lourd passé parlementaire contre les homosexuels
En 1982, il vote contre la Dépénalisation de l'Homosexualité. En 1999, il vote contre le Pacte Civil de Solidarité. En 2013, il vote contre l'ouverture du mariage et de l'adoption aux LGBT.
Face à son passé, François Fillon se défend de toutes volontés homophobes en argumentant que ce n'était pas ses convictions profondes. Invité à l'Emission Politique de France 2 le 27 octobre dernier, il déclarait ceci :
"A l'époque, il y a 155 députés RPR dont Jacques Chaban Delmas, Jacques Chirac, Philippe Seguin... Les 155 députés ont voté contre ce texte, dont moi. Non, je ne revoterais pas pareil aujourd'hui. Le contexte, le débat sur les mœurs n'était pas le même. Mais surtout, il faut se rendre compte qu'en 1981 on est dans une guerre sans merci avec la gauche qui vient de nationaliser les banques, qui vient de nous imposer des réformes extrêmement brutales. Donc on vote contre tout."
D'abord, le "je n'étais pas seul" est tout simplement risible. Un peu comme si Le Pen disait "Je ne suis pas raciste parce que tous les membres de mon parti le sont.". Ensuite sur l'évolution des mœurs, Fillon aurait refusé de prendre la mesure de l'ère du temps. Preuve qu'il n'a pas changé puisqu'il a récidivé à chaque occasion et aujourd'hui encore. En matière d'homosexualité, Fillon montre qu'il est favorable quand il n'y a plus d'alternative possible. Et que penser du vote qui suit une logique de parti. Si la pratique est déjà discutable quand il s'agit d'une loi économique (le bien de la nation devant primer sur les calculs politiques), elle est tout simplement honteuse dès que des valeurs républicaines comme l'égalité sont en jeux.
En voulant se dédouaner, Mr Fillon ne fait que confirmer...
- Des promesses de campagne qui font frémir
S'il dit aujourd'hui ne pas vouloir revenir sur l'ouverture du mariage, il promet néanmoins de détricoter la Loi Taubira en supprimant la possibilité d’adoptions plénières pour les parents homosexuels.
Là encore, je soupçonne le calcul politique. Abroger cette loi est une promesse qui lui couterait cher en voix des français. Entre ceux qui y sont favorables et ceux qui redoutent de nouveaux débats qui rediviseraient le pays, cette mesure pourrait être un suicide électoral. Alors François Fillon jette un os à tous les électeurs de la Manif pour Tous avec cette restriction de l'adoption plénière. Opération séduction qu'il double par ailleurs avec un appel du pied aux anti-IVG. En fait, Fillon c'est Gilette II, la 2ème lame est là au cas où la 1ère aurait mal fait le boulot. Encore cette stratégie politique : S'offrir à bas prix, avec une mesure qui ne coûte rien, les voix des familles chrétiennes extrémistes et des homophobes.
- Des soutiens explicites
François Fillon a le soutien de Sens Commun, la division LR de la Manif pour Tous, de Jean-Frédéric Poisson, seul candidat à la primaire qui souhaitait abroger la loi sur le mariage, de Christine Boutin, de Frigide Barjot...
Mr Fillon pourrait répondre qu'on ne choisit pas ses soutiens. Cet argument tiendra la route quand on verra des végétariens aller à la boucherie. Le proverbe dit "qui se ressemble, s'assemble"...
Alors, François Fillon est-il homophobe ?
Pour moi, il n'y a pas de curseur à placer en fonction de l'appréciation de chacun. Quand on a lutté contre des droits aux LGBT, qu'on souhaite aujourd'hui restreindre leurs droits obtenus suite à une lutte douloureuse, qu'en matière de droits homosexuels on privilégie le calcul politique à l'intérêt général et aux valeurs républicaines d'Egalité, oui, on est, indiscutablement, un homophobe.
Mr Fillon n'est peut-être plus l'homophobe qu'il était en 1980, il le demeure néanmoins. On en rediscutera dans 20 ans s'il évolue à nouveau...
Homo refoulé ou pas, l'homophobie du candidat François Fillon est certaine, et ne nous y trompons pas, le programme libéral qu'il propose est bien loin d'une comédie à la "Francesca, Folle de l'Elysée"...
Oyez Oyez !