A Whole New World

Le rêve bleu d'Aladdin & Jasmin

Quand j’étais gamin, au siècle dernier, le monde merveilleux de Disney était bel et bien l’endroit par excellence où l’homosexualité n’avait pas sa place. Le Magic Kingdom comme le dernier bastion, le rempart face aux perversions des divergents… Ironie du sort, c’est pourtant bien dans leurs histoires que les jeunes garçons sensibles puisaient leurs rêves romanesques d’amourettes interdites. Lequel d’entre nous n’a jamais rêvé d’être une Disney Princess ? Que celui qui n’a jamais fantasmé sur Aladdin me jette la première pierre ?

Et puis les années ont passé. Walt Disney, ce sale bonhomme à l’homophobie notoire, est mort et enterré. Des arcs-en-ciel se sont reflétés sur l’eau passée sous les ponts. Disney est devenu une des premières sociétés mondiales à accorder à ses salariés gays les mêmes droits qu’à ceux hétéros et a largement donné le ton des politiques antidiscriminatoires au sein des entreprises. Plus tard, ils ont instauré dans leurs parcs d’attractions l’ouverture d’une journée annuelle réservée aux LGBT+. Même si certains ont ergoté sur le côté séparation alors qu’on attendait de l’inclusion, il faut tout de même y voir un geste fort d’acceptation.

Finalement, au sein de la Walt Disney Company, la production cinématographique était le seul endroit où l’homosexualité restait un tabou absolu. Certes, cette grande folle honteuse et mégalomane de Jaffar ne fait pas illusion une seconde, mais bon, côté affirmation et acceptation de soi, on peut difficilement voir en lui un role model, hein !

Il faudra attendre 2017 pour qu’un personnage ouvertement gay apparaisse à l’écran, dans la version live action de Beauty and the Beast avec Le Fou (hum hum) en valet qui fait du gringue à son maître Gaston. Mais là encore, l’allusion reste subtile et sur le ton de la comédie…
On y a cru avec Elsa, la Reine des Neiges. Libérée de son carcan et délivrée des conventions, Elsa est une des rares (sinon la seule) Princesse Disney à ne pas être affublée d’un benêt de prince, à tel point que des rumeurs ont rapidement circulé quant à son orientation sexuelle. Et si Disney, poussé par le hashtag #MakeElsaGay, avait laissé entendre qu’elle pourrait être lesbienne dans la suite de Frozen, il faut bien avouer que face à la pression des familles, ils se sont largement dégonflés. Au final il faudra s’arracher la tête et lire entre les lignes pour entendre dans Je Te Cherche / Show Yourself les bribes d’un coming out.
On se consolera (ou pas) avec l’excellent En Avant / Onward où Disney met à l’écran son premier personnage clairement LGBT+ dans un film d’animation. L’officière de police Specter, un être mi-cyclope mi-licorne un peu butch qui fait référence à « sa petite amie ». Bon, on ne va pas se mentir, on peut compter ses apparitions sur les doigts d’une main, et on ne la voit jamais avec sa chérie. Ce premier pas reste timide et anecdotique.

Arrive enfin la plateforme Disney+, et là, je ne sais pas si les cadres décisionnaires sont tombés sur un poppers un peu frelaté, mais la bride a été lâchée. Cela a commencé avec la diffusion du très joli film Love, Simon et de sa série spin-off Love, Victor jusqu’au superbe court-métrage OUT que je ne peux m’empêcher de regarder régulièrement tellement il est awwwwwissime !
Je ne vais pas citer tout le catalogue (ne te prive pas de conseiller des titres dans les commentaires) mais impossible de ne pas mentionner également la série documentaire PRIDE qui chronique l’évolution du regard sur les questions LGBT+ et la quête des droits des années 1950 à aujourd'hui. Même en connaissant le sujet, on apprend beaucoup tout au long de ses six épisodes. Thumbs up !

Le ton Rainbow étant donné, beaucoup ont vu dans le dernier Disney, Luca le premier couple de personnages homos. Si j’ai adoré vraiment vraiment ce long-métrage d’animation, je ne peux que bémoliser. Vu le jeune âge des protagonistes, c’est un poil tôt pour leur coller des étiquettes, au mieux, on peut dire que cette belle amitié offre un terrain très favorable à une bromance et qu’il faudra attendre une suite pour confirmer tout cela. Mais je croise les doigts très fort. Ils sont tellement choupinous tous les deux…

Et puis ce matin, je tombe sur le Disney+ 'This Is Me' Pride Celebration Spectacular, un spectacle estampillé Disney où la drag queen Nina West et ses guests célèbrent la fierté LGBT+. Et un pas de plus… J’applaudis. Enfin, j’applaudis et rapidement, mon petit cœur de midinette se resserre devant ce dont nous avons tous souhaité : une reprise gay du cultissime Rêve Bleu. Frankie Rodgriguez & Joe Serafini endossent les rôles d’Aladdin et Jasmin(e) dans un A Whole New World revisité à la sauce queer. Au niveau de la symbolique et du message envoyé par Disney, c’est assez puissant. Un tel instant kleenex pour moi qu’il en a motivé l’écriture de ce papier.

On n’en aura pas chié pour rien.
Voir l’évolution de Disney depuis mon enfance remplit mon cœur de joie pour les nouvelles générations de LGBT+.
J’ai hâte de découvrir ce que Mickey nous réserve pour les prochaines années.

Ouais, la visibilité compte et it gets fucking better.